Vers quelles juridictions se tourner depuis la réforme du contentieux de l’aide sociale à effet au 1er janvier 2019 ?
( article mis à jour le 5.8.2021)
Les textes législatifs
Le contentieux de l’aide sociale a été modifié par la Loi Justice du 21ème Siècle n° 2016-1547 en date du 18 novembre 2016 et ses décrets d’application des 4.9.2018 et 29.10.2018. L’article 12 de cette loi a profondément remanié l’organisation juridictionnelle du traitement des contentieux de la Sécurité sociale et de l’aide sociale depuis le 1er janvier 2019.
Cette loi a été modifiée par celle du 23 mars 2019 sur la réforme de la Justice et ses décrets d’application. Ils ont organisé la fusion entre les Tribunaux de Grande Instance et les Tribunaux d’Instance au profit d’une nouvelle juridiction, le Tribunal Judiciaire. La loi du 23 mars 2019 est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Toutefois, la réforme est complexe comme en témoigne les décisions rendues par le Tribunal des Conflits.
Qu’est ce que le droit de l’action et de l’aide sociale ?
Le droit de l’action et de l’aide sociale est une branche du droit public. Il est régit par le Code de l’action Sociale et des Familles (CASF). Il définit les droits à l’aide sociale en fonction des personnes concernées (enfance, famille, personnes âgées, personnes handicapées….). L’action sociale et médico-sociale est mise en œuvre par des établissements et services sociaux. Ledit Code définit donc le fonctionnement et l’organisation de ses structures prenant en charge les usagers, ainsi que leur suivi et contrôle par les institutions publiques.
Quelle juridiction saisir en cas de litige ?
Les juridictions de la Sécurité Sociale et les juridictions judiciaires de l’aide sociale ont été supprimées le 1er janvier 2019, en application de la loi du 18 novembre 2016. Dès lors, le contentieux relevant des Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale (TASS), des Tribunaux du Contentieux de l’incapacité (TCI), ainsi que des Commissions Départementales d’Aide Sociale (CDAS) et de la Commission Centrale d’Aide Sociale (CCAS) a été transféré soit :
aux Tribunaux de Grande Instance spécialement désignés et aux Cours d’Appel spécialement désignés, selon la liste fixée par décret précité
Il s’agit des litiges concernant notamment : la CMU-C, la prestation de compensation du handicap, les recours en récupération sur donation ou succession et recours sur obligation alimentaire etc…).
Depuis le 1er janvier 2020, les TGI spécialement désignés sont devenus des Tribunaux judiciaires spécialement désignés. Il s’agit donc d’une compétence matérielle particulière à certains Tribunaux judiciaires. En appel, ce contentieux relève de la compétence des Cours d’appel spécialement désignées, selon la liste fixée par décret n° 2018-772 du 4.9.2018 (article L 211-16 COJ).
aux Tribunaux Administratifs et aux Cours Administratives d’Appel.
Tel est le cas des litiges concernant par exemple l’APA (allocation personnalisée d’autonomie). Le juge administratif était déjà compétent, avant cette réforme, pour connaître du contentieux lié à l’action sociale (aide sociale à l’enfance, RSA etc…). Il conserve sa compétence.
Sur les éclairages du Tribunal des Conflits
Le Tribunal des Conflits a apporté des éclairages sur la répartition des compétences concernant l’aide sociale, suite à ces nouvelles dispositions.
Sur les recours des obligés alimentaires
Dans une décision rendue le 8.4.2019 (C-4154), le Tribunal des Conflits a jugé que les recours des obligés alimentaires contestant les décisions prises par l’État ou le département pour obtenir le remboursement des sommes avancées par la collectivité relèvent désormais de la compétence de la juridiction judiciaire. Tandis que les recours contre les décisions relatives à l’admission à l’aide sociale relèvent, sans changement, de la juridiction administrative, même en présence d’obligés alimentaires.
Récemment, le Tribunal des Conflits a précisé, dans deux décisions en date du 14 juin 2021 (n° 4209 et 4212), la juridiction compétente selon la nature du contentieux. Ainsi, il a décidé que les recours des obligés alimentaires contestant les décisions prises par l’État ou le département pour obtenir le remboursement des sommes avancées par la collectivité au titre de l’aide sociale, relèvent de la juridiction judiciaire (Tribunal judiciaire).
En revanche, les recours contre les décisions relatives à l’admission à l’aide sociale, relèvent de la compétence de la juridiction administrative (Tribunal Administratif), même en présence d’obligés alimentaires (articles L 132-6 CASF et L 134-3 CASF).
Rappelons que la fixation de la contribution alimentaire due par les obligés alimentaire, relève de la compétence du Juge aux affaires familiales (articles 203 et suivants du Code Civil et L 132-6 et suivants CASF).
Sur les indus de RSA
Dans la seconde décision concernant un indu de RSA, le Tribunal des Conflits a jugé le 14 juin 2021 que le contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales relève de la compétence du juge de l’exécution, c’est-à-dire du Tribunal judiciaire (en l’espèce, une mise en demeure valant commandement de payer un indu de RSA).
Mais, le contentieux du bien-fondé de ces créances est du ressort du juge compétent pour en connaître sur le fond ; soit selon les cas, le Tribunal judiciaire ou le Tribunal administratif. En l’espèce, l’indu du RSA relève de la compétence d’attribution du juge administratif.
Le recours administratif préalable obligatoire
Depuis le 1er janvier 2019, tous les recours contentieux relatifs aux décisions du Président du Conseil Départemental et du représentant de l’Etat dans le département en matière de prestations d’aide sociale doivent être précédés d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant l’auteur de la décision contestée (article L 134-2 du CASF). A défaut, le recours devant le juge est irrecevable.
EN RESUME
Le contentieux de l’aide sociale (admission, indu, récupération, etc..) est désormais éparpillé entre les juridictions de l’ordre administratif et celles de l’ordre judiciaire. La compétence d’attribution de la juridiction est fonction de la nature de la prestation en cause (le RSA, la PCH, l’aide sociale à l’hébergement etc.), mais également de l’objet du recours (contestation de la décision d’admission à l’aide, du recouvrement de l’indu…).
© Me Nadège TARDIF
Avocat au Barreau de Caen
Tél : 02 31 38 99 31